lundi, octobre 30, 2006

La conscience


Lorsqu'avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Échevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
Au bas d'une montagne en une grande plaine ;
Sa femme fatiguée et ses fils hors d'haleine
Lui dirent : - Couchons-nous sur la terre, et dormons. -
Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres
Il vit un œil tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l'ombre fixement.
- Je suis trop près, dit-il avec un tremblement.
Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
Et se remit à fuir sinistre dans l'espace.
Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
Sans repos, sans sommeil. Il atteignit la grève
Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
- Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. -
Et, comme il s'asseyait, il vit dans les cieux mornes
L'œil à la même place au fond de l'horizon.
Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
- Cachez-moi, cria-t-il ; et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils regardaient trembler l'aïeul farouche.
Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
Sous des tentes de poil dans le désert profond :
Étends de ce côté la toile de la tente.
Et l'on développa la muraille flottante ;
Et, quand on l'eut fixée avec des poids de plomb :
Vous ne voyez plus rien ? dit Tsilla, l'enfant blond,
La fille de ses fils, douce comme l'aurore ;
Et Caïn répondit : - Je vois cet œil encore !
Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs
Soufflant dans les clairons et frappant des tambours,
Cria : -Je saurai bien construire une barrière.
Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
Et Caïn dit : - Cet œil me regarde toujours !

Hénoch dit : - Il faut faire une enceinte de tours
Si terrible, que rien ne puisse approcher d'elle.
Bâtissons une ville avec sa citadelle.
Bâtissons une ville, et nous la fermerons.
Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
Construisit une ville énorme et surhumaine.
Pendant qu'il travaillait, ses frères, dans la plaine,
Chassaient les fils d'Enos et les enfants de Seth ;
Et l'on crevait les yeux à quiconque passait ;
Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.
Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,
On lia chaque bloc avec des nœuds de fer,
Et la ville semblait une ville d'enfer ;
L'ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;
Ils donnèrent aux murs l'épaisseur des montagnes ;
Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d'entrer. »
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l'aïeul au centre en une tour de pierre.
Et lui restait lugubre et hagard. - O mon père !
L'œil a-t-il disparu ? dit en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit : -Non, il est toujours là.
Alors il dit : - Je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. -
On fit donc une fosse, et Caïn dit : C'est bien !
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
L'œil était dans la tombe et regardait Caïn.

Victor HUGO, La Conscience, La légende des siècles, 1859

dimanche, octobre 29, 2006

Les oreilles

Miracle... Tout semble fonctionner correctement! Les oreilles sont en marche il vous suffit d'aller faire un petit tour sur le lien près du compteur et d'apprécier ce qui passe par le conduit auditif!

Alors activez les oreilles!

samedi, octobre 21, 2006

Recette

Pour faire une vie d'adulte:

-prendre le maximum de formulaires, factures, rappels, feuilles de soins... possibles et imaginable et les saupooudrer généreusement dans sa boîte aux lettres.

-ajouter les prélèvements automatiques parfois indéterminés qui parsèment gentiment vos relevés de compte: abonnements à des magazines divers et variés (ou comment succomber au meilleur attrape couillon qui traîne, la plupart du temps), hors forfaits sur votre abonnement téléphonique pour écoute abusive mais forcée de musique chez EDF, la CAF, la MGEN, Véolia et autre service public au demeurant mélomane...

-assaisonner de retards dans vos remboursements maladie ou dans le versement de vos rares allocations logement (idéal pour relever l'amertume de votre découvert).

Vous obtenez une purée âcre et compacte qui se trouve être votre vie et, croyez-moi, parfois ça colle aux dents et coince dans la gorge.

Comment remédier à ça? S'habituer, vous disent vos parents, ça ne va pas en s'arrangeant. Certains soucis peuvent venir s'ajouter à cet emplâtre quotidien: un déménagement; un échec aux examens; le chômage; la perte de ses clés d'appartement, de voiture, ou parfois des deux simultanément...

Vous pouvez ensuite choisir l'optimisme. Très en vogue dans ma famille, je semble être la seule à déroger à la règle. Pas toujours, mais ces derniers temps, je me sens plus voûtée qu'Atlas avec cette vie sur les épaules.

mercredi, octobre 11, 2006

Innervation

Les carnets du consommateur (1)

Chaque jour, des espèces en voie de disparition luttent pour leur survie. Certains nous diront que nous courons droit à la catastrophe, mais c'est sans compter sur l'avènement d'une nouvelle espèce à toute épreuve: le consommateur!

Le consommateur a vu le jour de part et d'autre de l'atlantique, mais c'est aux Etats-Unis qu'il s'adaptera le mieux, baignant dans un univers neuf, vierge de toute histoire culturelle. Les européens suivent le consommateur américain de près (à ceci près qu'il ne sont pas encore obèses). Et désormais, vient au monde le consommateur asiatique, volontaire et déterminé à rattraper ses congénères occidentaux au plus vite. Les africains et les inuits sont à la traîne.

Les chefs de meutes sont facilement reconnaissables à leur pelage Armani, Hugo Boss ou autre compagnon indispensable du bon goût, ainsi que leurs accessoires discrets (le chef de meute est cultive et entraîné à reconnaître les diverses marques de pelage selon la coupe; impressionnant!), mais non moins reluisants de chic non dissimulé. Ils se déplacent en voiture de luxe, toutes plus scintillantes les unes que les autres, silencieuses la plupart du temps, à peine choquées d'éventuelles rencontres frontales avec les véhicules de leurs sous-fifres, généralement perdantes dans ce genre de confrontations.

Le bas de l'échelle sociale se reconnaît à son goût pour l'affichage public de marques diverses et variées, véritable panneau publicitaire à lui tout seul: Reebok, Nike, Adidas pour les sportifs; Quicksilver, Buffalo, Loïs, Van's, Doc Martens etc... pour le reste. Et la valse des pelages ne s'arrête ainsi jamais, orchestrée au gré de l'instrument indispensable du consommateur: sa télévision.

Immobilisé dans un fauteuil plus ou moins confortable (facteur variant selon l'échelle sociale encore une fois), le consommateur se laisse aller à contempler ce catalogue perpétuel d'objets et services divers et variés. Défilent devant lui les images colorées de ce qui sera bientôt Sien: douce perspective que celle de posséder très bientôt la chose qui sera apparue devant lui. Catalogue si vaste qu'il englobe tout ce qui a trait au pelage, à l'alimentation, les "produits culturels"... Ce qu'il sera se construit sur son écran.

Le consommateur est dévoré d'envie, trépignant sur son fauteuil et, lorsqu'il sort, l'irrépréssibilité de ses pulsions de consommateur l'emporte. Il rentre chez lui, une nouvelle possession en poche, de l'argent (trop d'argent) en moins. A nouveau immobilisé dans son terrier, il l'aménagera à son gré, ou à celui des petites images qui défilent sur son petit écran.

J'ai un ami qui travaille à Carrefour: sur son dos, il est écrit "Puis-je vous aider à mieux consommer?"

Fais pas ça, p'tit con!

Je suis professeur aspirant. Non pas qu'il s'agisse d'une nouvelle catégorie de personnel au sein de l'éducation nationale: un professeur qui, non seulement remplace ses collègues lorsqu'ils ne sont pas là - on ne se lancera pas à nouveau dans la polémique - mais en plus nettoie les classes lorsque ses élèves en sont partis; un professeur, après tout c'est bien connu, a tellement de mal à occuper la totalité de son temps de travail! Non, j'aspire simplement à devenir prof de français. Si, je pense qu'il y en a besoin, bien que ce soit notre langue maternelle! Les élèves ont de ces arguments pour ne pas faire leur travail!

Comment concilier le travail que nécessite l'obtention du CAPES, et l'irrépressible besoin d'argent qu'impliquent nos vies de consommateurs effreinés? On devient Assistant d'Education. Travailler au contact des jeunes collégiens, se familiariser avec leur vie au sein de l'établissement, découvrir leur univers... Tout en côtoyant nos futurs collègues et l'équipe soudée qui anime toute cette petite ville dans la ville! On arrive hautement enthousiastes! Quel meilleur entraînement pour exercer son autorité que le métier d'Assistant d'Education?!

Une ville dans la ville, et que sommes nous en réalité? On savait que ce ne serait pas facile, mais on ne pensait pas que la portée aux nues de l'insolence, médiatisée et clairement encouragée, aurait fait autant d'adeptes (cf. Michaël Youn et consorts, pour ne citer qu'eux, la liste serait trop longue). Symboles de l'autorité? Lorsque la plupart de vos collègues acceptent le tutoiement, la frontière entre "adultes de l'établissement" et copains est assez floue. Si vous vous y perdez, que dire des élèves qui essaient alors d'équilibrer leur situation le pied gauche sur le terrain du copinage, le droit sur celui du respect de l'autorité. Car il suffit de les regarder se moquer, "charrier", bousculer leurs copains, pour se rendre compte que l'autorité entre potes n'existe tout simplement pas. En permanence, la figure de garde-chiourme sauve la mise: ils sont assis devant leur table, vous êtes face à un bureau sur une estrade, vous faites l'appel et vous égosillez le reste de l'heure à demander le silence, déplacez les groupes trop bruyants, acceptez ou refusez les déplacement vers la poubelle ou la source d'un renseignement en rapport avec le travail qu'ils sont en train d'essayer de faire. Mais à l'extérieur? Dans le self? Au foyer? Vous être sur LEUR territoire. Et ils vous le font remarquer. La figure d'autorité se casse la figure face à leur besoin de se montrer les plus forts-beaux-délicieusement insolents. Et vous et vos collègues de vous plaindre de l'évolution des mentalités vers le règne de l'insolence. Vous vous rappelez avoir été parfois turbulents, mais assez respectueux pour ne pas faire du manque de respect, de politesse et de respect des règles, un maître mot et passage obligé vers la "cool-attitude".

Que sommes-nous en réalité alors? L'intermédiaire entre les profs et les simples copains. Les PIONS. Et le respect se perd sur la route qui sépare ces deux extrêmes. Je suis pessimiste? On pourrait le croire, à la lecture de ce qui précède, mais non! Je savais à quoi m'attendre, tout le monde vous prévient de ce genre de choses (il est bien connu que les gens en bons omniscients, même s'ils n'ont jamais expérimenté ce que vous vous apprêtez à débuter, vous préviennent de sa difficulté!). Un professeur, cette semaine, me disait qu'il serait incapable de faire notre boulot! Alors quelle meilleure motivation que de savoir que vous commencez par le pire?!

XX

C'est ce qu'il y a d'écrit sur ma carte d'identité génétique. Quand on me voit, d'ailleurs, on s'en rend compte. J'ai tout ce dont une XX a besoin pour être une parfaite XX (parfaite, c'est le terme rhétorique pour exprimer l'idée que l'on colle parfaitement à son type, je ne préfère pas m'étendre sur d'éventuelles considérations esthétiques qui me fâcheraient quelque peu). C'est dans la tête qu'il y a quelque chose qui cloche. Un Y semble s'être caché dans ma matière grise.

Il y a une presse spécialisée pour les XX, pleine d'articles répondant aux principales de nos soit-disant préoccupations. Quand on feuillette, c'est effrayant: "comment perdre du poids le plus rapidement possible sans se fatiguer sinon personne n'acceptera de vous laisser vous promener en maillot de bain sur la plage"; "l'accessoire inutile qu'il faut ABSOOOOOLUMENT avoir cet été et que l'on va toutes s'arracher parceque Scarlett Johansson a été vue avec le 15 mars 2006"; "comment jeter le mec que l'on s'est fait la veille sans passer pour une salope"; "comment se débarasser de la rivale que l'on a au bureau sans pitié ni humanité (de façon très féminine, quoi)"... A ce stade mon X s'atrophie pour laisser hurler le Y qui est en moi: il faut se rendre à l'évidence, tout cet univers me répugne, et ne m'intéresse pas.

Il se manifeste également lorsqu'une de mes congénères TOTALEMENT XX et qui l'assume, essaie de discuter avec moi: "Trop beau ton t-shirt! Tu l'as vu dans quel magazine?"; "t'utilises quelle crème le soir?"; "t'as vu le dernier fond de teint l'Oréal?". Dès qu'elle aborde ce genre de sujet, je n'ai plus rien à dire, et là encore Y aurait l'intention de lui parler à ma place. Lorsque j'achète un vêtement, je ne l'ai vu dans aucun cahier de tendance qui soit, je l'ai remarqué parcequ'il m'a plu et qu'il correspondait à mes goûts. Pas ceux de Vogue. D'ailleurs, ça simplifie grandement la vie!

Puis arrive le printemps. On se lève, on sirote son café devant les images mouvantes de la télé parceque ça réveille, et le cortège de pubs vous donnerait presque envie d'aller vous recoucher: "la cème X vous enlèvera toute cette vilaine graisse qui s'accroche à vos fesses"; "la crème Z vous elèvera toutes ces vilaines rides qui vous font paraître votre âge (quelle honte, sans rire!)"; et tout le cortège d'artifices du parfait home-chirurgien-esthétique qui vous transforment en machin bricolé d'astuces casse-gueule qui dégoulinent au moindre signe de pluie. Quand on sort, ça n'est pas mieux. Y'en a partout. Des affiches qui vous rappellent que vous n'êtes pas assez mince, pas assez jeune, pas assez riche, pas assez bien habillée...

Je n'ai que de rares amies filles, et les seules que j'aie sont aussi peu féminines que moi. C'est tellement agréable de pouvoir se promener dans la boue sans y faire attention, de grimper aux arbres, d'avoir des sacs énormes dans lesquels on peut avoir tout ce dont on a besoin et plus, de pouvoir les balancer où on veut sans que ça ne craigne rien, de boire de la bière et faire suivre d'un concours de rots, de balancer des grossièretés plus grosses que nous, de dormir n'importe où et de se réveiller dans n'importe quel état. Quand on est une fille, on n'y a pas droit. Quand on le prend, on est la petite rigolote, mais on se fait souvent dire qu'on est un "vrai pote" (alors que souvent on aimerait plus parcequ'on a quand même pas oublié qu'on était une fille, nous )

Ce qui me reste à faire? Continuer à jongler avec X et Y (eh oui, mon zamoureux, tu vas devoir continuer à te demander si tu n'es pas un homo refoulé ) et laisser passer le temps. Avec lui s'en iront ces foutues affiches...

Mauvaise humeur

Il y a des jours où on se lève et où on la sent s'insinuer dès l'ouverture de l'oeil gauche. Puis il y en a d'autres où elle arrive par surprise, alors que tout avait bien commencé. On planifie sa journée (quand on est sensée passer le CAPES, il faut bien), on se dit qu'on s'y tiendra, et jusqu'à 13h, ça se passe bien. On a fait les trucs de fille qu'on a pris la résolution de faire pour se sentir plus normale, on a fait les trucs de femme qu'on est obligée de faire pour que sa baraque tourne à peu près proprement (ménage, linge etc...), et on a fait ses trucs à soi pour que l'appétit culturel de son esprit curieux soit rassasié. Il est 14h, vous avez décidé de vous mettre à bosser à 15h, vous avez une heure pour aller louer le dernier DVD qui vous intéresse et acheter la petite babiole que vous vous étiez promis la semaine précédente. On embarque avec soi sa sister intéressée elle aussi par la ballade, et on est alors partie pour la Ville. Le monde impitoyable et cruel des consommateurs.

On loue son DVD, on continue le chemin à pieds, parceque marcher rend les trucs de fille plus efficaces (futiles à en rougir) et on se dit qu'il reste encore du temps avant de rentrer bosser. Puis on est alors prise dans l'engrenage mortel de la consommation.

Les soldes. C'est horriblement vicieux. Ca vous fait croire que vous avez l'opportunité de faire des économies en achetant finalement des trucs dont vous n'avez pas besoin. On veut résister, mais on ne sait pas faire ça, alors on essaie. Et on se bousille la bonne humeur et le temps de travail (mais après tout n'en suis-je pas la seule fautive? à essayer de trouver un pantalon correct : à l'origine, les pantalons nouvelle génération étaient faits pour vous donner l'air d'une ingénue qui ne se rend pas compte que sa jolie culotte dépasse. En théorie. Parceque l'ingénue et sa culotte se sont vite transformées en petite salope qui aime à afficher son string ficelle dans le bas de son petit dos. Faut pas être rabat-joie, coincée etc... on s'y fait. C'est la femme du XXIe siècle, elle est libérée, son cul avec, alors autant le laisser sortir. Sauf que la plupart du temps, grâce à la mode,alors que les femmes essaient d'entrer dans cet uniforme fait pour les corps des nouveaux canons de beauté androgyne, à défaut de sortir, ça déborde. Les rues sont envahies de hanches débordantes montées sur deux cannes plantées dans une paire de bottes poilues. Ce pourrait être aussi joli d'enfiler une paire de chiens dans le sens qui vous plait.

Mais revenons-en à nos pantalons: on en essaie donc. Mais lorsqu'on a déjà le désavantage d'arriver au 42, on se rend compte qu'en plus, les coupes restent les mêmes. Alors notre taille fine et nos hanches prononcées, notre morphologie de femme, fait donc mauvais ménage avec des vêtements taillés pour éternelles gamines de 12 ans. Résultat nous voilà péniblement casée dans un pantalon qui nous arrive à la naissance des fesses alors qu'on est encore debout. C'est ainsi qu'on s'imagine allègrement sa silhouette de dos alors qu'on est assise. Et au bout de quelques magasins, la mauvaise humeur a submergé notre esprit fragile: on a perdu son temps, et bousillé son moral.

Alors, on rentre, et on traîne sa mauvaise humeur jusqu'ici pour cracher son fiel futile de fille vexée: Dieux de la Mode, arrêtez de vouloir faire ressembler les femmes à des enfants perverses, vous leur rendrez service dans la mesure où la moitié d'entre elles semble incapable de prendre la mesure du ridicule qui les habille.

Non mais vous croyez vraiment que ça me plait d'être bête et méchante? Ben vous avez raison, ça défoule !

Le naturel et ses trahisons

Il y a des névrosées comme moi qui refusent avec hargne le cliché insultant de la femme type: celle dont les humeurs sont dictées par les fluctuations de son poids, celle qui prend les idioties des magazines féminins pour parole d'évangile, celle qui croit que les conneries promises par les publicités l'Oréal sont vraiment placées sous l'égide de la science. Les "principes actifs" n'ont aucun secret pour elles, et sortir sans le dernier accessoire en première page de la catégorie vintage de Vogue serait impensable. La femme type se repose de sa journée de shopping effreiné ( et dangereux en période de soldes lorsque l'on est sensée se battre pour un pull à -20% toutes griffes dehors) devant une comédie romantique estampillée hollymerde devant laquelle elle dépense des fortunes en mouchoirs. La femme type est détestable.

La femme type est sensée sommeiller en nous. Tapie sournoisement. Et même lorsque, comme moi, on refuse de façon presque pathologique tout ce qui participe de ce cliché, nous saute dessus cette saloperie qu'on appelle "le naturel". Comme tout un chacun le sait, il est sensé revenir au galop, et lorsqu'il choisit de s'arrêter sur vous, il ne fait pas dans la dentelle. Le freinage est difficile et l'entrain du galop, vous vous le prenez en pleine poire. Et c'est ainsi qu'un matin vous vous réveillez après les fêtes, complexée par les deux kilos que vous avez pris (saleté de galette des rois, pourquoi est-elle aussi bonne?!). Et là le naturel vous surine sans pitié: vous décidez de faire attention, voire de faire un régime. Et vous vous y tenez. Vous surveillez, vous vous intéressez, et vous regardez même du côté des "principes actifs". Vous projetez alors même de perdre un peu plus que les deux satanés kilos qui s'accrochent. Et la fille en vous rit de satisfaction devant votre défaite. Vous ÊTES une fille et vous ne pouvez rien contre ça. Alors autant ne pas se débattre et continuer comme ça, éviter les écueils de la "femme-type" qui sommeille. Car qu'est-ce qui est le plus pathétique dans l'histoire? Elle ou votre entêtement à lui résister?!

Amour courtois

Je ne vais sans doute pas améliorer ma réputation de râleuse, mais la vie me confronte parfois à un genre de fille que je ne comprends pas : les capricieuses dominatrices. Ou comment remettre en vogue l’archaïque conception de l’amour courtois.

En quoi consiste la chose ? C’est relativement simple : la jeune Dame énonce ses souhaits (aussi appelés caprices) et le chevalier servant exécute l’air béat d’admiration. Evidemment c’est encore mieux quand la Dame exige ! Et la perfection est atteinte lorsque ces caprices paraissent totalement saugrenus, et demanderaient presque une part de sacrifice de la part du jeune homme.

Plus sérieusement, où est la décence dans le fait d’exiger de se faire traiter comme une déesse que l’on n’est pas ? Ne jamais édicter quelque jugement que ce soit sur une autre fille, même le plus innocent qui soit (évidemment, toute proportion gardée) ; toujours préférer les petits plats de sa Dame à ceux des autres (hommes compris) même si ces derniers sont meilleurs ; ouvrir la porte à sa Dame, fermer la porte derrière elle ; payer le restaurant où il faut l’inviter régulièrement pour ne pas se faire envoyer dans les dents qu’on la néglige ; éviter de faire un compliment à une autre… La liste peut être très longue.

La question que je me pose, à l’heure d’aujourd’hui, à la suite de toutes ces batailles justifiées pour l’égalité des sexes, serait de savoir si ce n’est pas plus sain d’entretenir des rapports égalitaires au sein de son couple, plutôt que de demander à son homme de servir de paillasson de la sorte ? Vous demandez à être traitées en égales ? Payez donc l’addition de temps à temps ; réservez parfois des surprises à votre « chevalier servant », pliez vous en quatre pour lui, inversez les rôles ! Avant que le service qui vous arrive en pleine tête un jour, ne soit qu’une bonne grosse baffe bien méritée !

Alter Ego

Qui n'a jamais été associé à un personnage de fiction?! Tout droit sorti du cinéma la plupart du temps, les traits marquants apparaissent d'autant plus clairement qu'ils sont exposés devant nous pendant deux heures environ. Hier soir encore, mon chéri d'amour m'associait à un de ces personnages. C'est parfois flatteur, parfois moins... Les miens me plaisent tous, dans l'ensemble:

La Number One, tout le monde est unanime (ça ne me flatte pas spécialement, mais ça m'amuse), Daria. Jamais contente, toujours déprimée, blasée, marginale, morbide, pas féminine... Je dois reconnaître qu'il y a de l'idée. Même physiquement: rousse, affublée de lunettes, de docs et d'une jupe à carreaux. Presque moi effectivement. L'ado type. J'ai 26 ans. Niveau de flatterie -/+

Autre personnage souvent évoqué, Grace Stalker. Personne ne voit jamais qui c'est lorsque l'on n'évoque que le prénom, mais lorsque l'on parle ensuite de la cinglée suicidaire d'Arizona Dream, c'est tout de suite clair. Pour la personne à qui on la compare aussi. Niveau de flatterie -/-

Vient ensuite Clementine Kruczynski d'Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Au premier abord, je suis extrêment flattée, étant donné que j'adore ce film et que Clementine est l'un des personnages les plus attachants qui m'aient été donnés de voir au cinéma: son enthousiasme, ses tenues, sa personnalité, son originalité... Quand on m'explique que c'est pour le côté fofolle, également gueularde mal embouchée et susceptible, le besoin d'être toujours rassurée sur sa valeur et juste un mininmum pour les jolies tenues originales et le côté attachant de la demoiselle, je me calme un peu. Mais tant pis! Niveau de faltterie +/+!

Dernier personnage qui est souvent évoqué par ma mère depuis que je suis gamine et qui fait partie de la mythologie familiale, Josephine March. J'ai bien dû lire Les Quatre filles du Docteur March quatre ou cinq fois étant gamine, et il est vrai que le côté "écrivain en devenir" de Jo m'enthousiasmait beaucoup. Maintenant, il y a tout ce côté caractère de cochon, garçon manqué et soupe au lait qui prend le dessus sur ce fameux écrivain et que les autres évoquent plus souvent: le côté tank, quoi! (mon cher amoureux m'appelle parfois son petit char Leclerc, le Panzer étant déjà pris par quelqu'un d'autre, un garçon, lui, au moins). Mais tout de même, pour l'appartenance aux mythes de mon enfance et le joli portrait de Winona Ryder dans Little Women, j'évaluerai le niveau de flatterie à +/-

Irrigation

Marie-Antoinette, Sofia COPPOLA

Je suis fâchée. Fâchée après les historiens méticuleux qui refusent que l'on puisse interpéter leur sacro-sainte Histoire et qui ne jurent que par les films historiques aussi rigides que des corsets; je ne dis pas par là qu'ils sont mauvais, attention à ne pas se méprendre. Mais je maintiens préférer être conduite à m'intéresser sérieusement à un évènement historique ou une époque par le biais d'oeuvres qui nous rendent ces figures du passé plus humaines. Mais voilà, il y a cette maudite bienséance qui poussent les intriguants poussiéreux à crier au scandale... D'autant plus qu'avec Marie-Antoinette, ce sont les américains qui sont accusés de remanier l'Histoire à leur façon (cf. le forum consacré au film sur Allocine)


Scandale: il y a quatre siècles, les artistes italiens ont remanié l'histoire biblique à leur façon en vêtant Jésus et ses apôtres à la mode de leur temps!

Scandale: il y a trois siècles, on a bousillé la carrière de Corneille pour avoir fait parler français sa Chimène espagnole dans Le Cid!

Scandale: il y a deux siècles, Hernani de Victor Hugo a fait hurler des hordes de conservateurs poussiérieux pour avoir remanié l'histoire espagnole; la famille Dumas a eu l'audace de ne pas faire de ses Trois Mousquetaires et autres Comte de Montecristo, des documentaires figés sur l'histoire des temps de Louis XIV et, au contraire, de la romancer!

Les américains n'ont pas d'histoire ou si peu... Mais pas de scandale prudement offusqué à la sortie de The Crucible d'Arthur Miller (pièce de théâtre mettant méchamment le doigt sur les motivations réelles de la chasse aux sorcières de Salem, en romançant évidemment). Et pas de scandale à la sortie de Gangs of New York. Non pas que je me mette dans quelque camp que ce soit. Mais je leur concède tout de même une certaine ouverture d'esprit mêlée à une inventivité créatrice qui a pu également leur permettre de transposer dans l'univers de notre époque une pièce élisabethaine aussi connue que Roméo et Juliette. Je m'égare peut-être un peu mais là où je ne le fais pas, c'est en constatant que notre pédantisme de français engoncés dans la préciosité de notre histoire culturelle est si rigide qu'apparemment une seule tentative d'interprétation peut apparemment le pousser à se sentir menacé! Quatre siècle des mêmes scandales!!

A cela, bien sûr, on peut m'objecter que les personnages dont je parle ici sont uniquement fictifs, alors que Marie-Antoinette est un personnage historique. Mais je maintiens alors que dans Les Trois Mousquetaires et ou encore Les ferrets de la Reine, les personnages historiques interviennent régulièrement. Ainsi que dans beaucoup de romans de genre historique, comme Les Rois Maudits de Maurice Druon, pour ne citer que cet ouvrage.

J'ai enfin eu l'occasion de voir Marie-Antoinette. Et j'ai été enchantée: la fraîcheur qui se dégage de ce film nous élève un peu plus vers une atmosphère éthérée, et le château de Versailles est merveilleusement mis en valeur par les couleurs, les costumes et la prestances des acteurs qui le peuplent durant ces deux heures de tableau mouvant. Le personnage même de Marie-Antoinette y est montré comme extrêmement attachant, bouleversée très jeune par son arrachement à ses habitudes et sa découverte brutale d'un pays et d'une cour où les coutumes lui sont étrangères. Encore une fois, c'est plus le passage à l'âge adulte que Sofia Coppola nous dépeint sous prétexte d'illustrer la vie de la reine. Et quand bien même, elle se paraphrase comme l'aiment à dire les critiques les plus acerbes, en tant qu'éternelle adolescente, je ne m'en lasse pas.

Toute cette musique moderne sur des scènes du XVIIIe siècle? Les plus attentifs auront remarqué qu'elles sont placées sur des moments qui se penchent sur la vie intime de la reine, et illustrent plus son état d'esprit et son humeur. Il s'en trouve tout de même sur une scène (magnifique) de bal masqué? Celui qui justement transportera Marie-Antoinette hors de son carcan social habituel et où elle pourra à loisir laisser éclater sa véritable personnalité sous couvert du masque qui la dissimule! Et l'on jubile avec elle. Les musiques tirées de notre temps nous rendent les distractions de l'époque plus accessibles et l'on imagine mieux la joie palpable à ces occasions alors que nous-mêmes avons désormais beaucoup de mal à imaginer danser sur les menuets de Couperin ou Rameau. Et au plus mauvaise langues, j'objecterai que ce dernier est représenté dans la bande son du film tout de même.

Oui j'ai été agréablement surprise par Marie-Antoinette et deux jours après être allée le voir, mon esprit se délecte encore de son ambiance de fête et de ses couleurs droit sorties d'un tableau du XVIIIe siècle: comme je me suis délectée du lever de soleil auquel assistent la reine et ses amis dans les jardins de Versailles!

Un bon point, Mademoiselle Coppola!

Sin City

Est-il nécessaire d'avoir pris connaissance de l'oeuvre de Frank Miller afin d'apprécier Sin City? Non. Est-il nécessaire d'avoir pris connaissance de l'oeuvre de Frank Miller afin de BIEN apprécier Sin City? Sans doute. En cela réside le problème.

Bien calé dans son siège, on est emballé, charmé, hypnotisé. Les pupilles dilatées par l'obscurité de la salle sont avides d'images délicieusement frappantes et sont rassasiées, masochites occasionnelles qui n'attendent que de se faire violenter de la sorte. Roberto Rodriguez se fait pardonner (enfin) de The Faculty et autres Desperado à coup de grisaille rehaussée de gliclées de couleurs brutes, aussi primaires que les âmes et personnages qu'elles déguisent.

La galerie de portraits est impressionnante, dévoilée au préalable par le générique qui laisse défiler les nonms d'acteurs tous meilleurs les uns que les autres, présentés sous les traits de leurs alter-ego scénarisés et dessinés.

Le film s'ouvre ainsi sur trois histoires aussi noires qu'elles sont habillées de cette grisaille parfois colorisée, de façon symbolique la plupart du temps. Jolie façon d'atténuer la violence des geysers sanguinolents.Marv hurle et dégomme, Dwight poursuit, et Hartigan se fait poursuivre. Les personnages secondaires magnifient et assaisonnent cette mixture scénaristique qui interpénètre, croise, mêle les histoires les unes aux autres. On pense à Pulp Fiction (et oui! ENCORE!), mais surtout aux polars à l'ambiance aussi encrassée que les mains de leurs héros. La caméra de Rodriguez filme de manière assurée, virevolte quand il y en a besoin et heureusement, on ne pense pas à Matrix (et oui! ENFIN!).

Où est donc le problème? Trop d'esthétique tue l'esthétique? Peut-être, ça frise parfois l'excèse de zèle. Une bande dessinée a sa propre "personnalité", inutile de simplement la transposer au cinéma: les deux domaines abritent des oeuvres qui se construisent selon des critères radicalement différents.

Et si l'on cherchait du côté du scénario (pardon Frank Miller)? Ces "instantanés dans la vie de..." ont un fort goût de reviens-y. Et encore une fois, on pense à Pulp Fiction et l'on se fait donc la même réflexion: c'est aussi frustrant! Là encore se dresse la question que je posais au début de mon verbiage: est-il nécessaire de connaître l'oeuvre de Frank Miller afin de BIEN apprécier Sin City? La réponse se précise vers l'affirmative.

En définitive, le film plait beaucoup, mais l'envie d'aller voir du côté des dessins dont il est inspiré est la plus forte. Certains soutiennent que les images de Frank Miller sont plus que fidèlement reconstruites, elles sont décalquées pour être mises en mouvement. Ca tape à l'oeil mais ne poursuit pas le chemin jusqu'au cerveau. Ainsi le film perd-t-il un peu en intérêt, et semble-t-il la parfaite retranscription sans fautes de copie qui vaudrait à l'élève Rodriguez la note maximale dans son domaine: un parfait exercice de style.

In her shoes, Curtis HANSON

Le nom de Curtis Hanson me paraissait incompatible avec les "comédies romantiques" d'ordinaire réservées aux filles, comme pouvait le laisser croire l'affiche de ce film qui, pourtant, récoltait d'assez bonnes critiques. On ne peut pas dire, me semble-t-il que le superbe LA Confidential corresponde à cette catégorie avec son histoire à l'eau de pissenlit de police corrompue, issue de l'esprit sombre de James Ellroy.

Prenons donc Rose et Maggie, deux soeurs improbables, l'une aussi blonde et mince que l'autre est brune et enrobée. La blonde est volage et bébête, la brune est intelligente et avocate. Et lorsque la petite blonde attire un des rares mecs de sa soeur dans son lit et que cette dernière le découvre, l'effondrement est inévitable. Ca fleure le cliché si fort, que l'on se dit qu'il y doit y avoir un truc.

Et c'est là que Curtis Hanson, se basant sur l'histoire de Jennifer Weiner (In her shoes est tiré du roman du même nom), colle à sa réputation en en faisant un bon film: on s'aperçoit très vite que la blonde n'est pas bête, mais en est simplement persuadée, et que la brune n'est pas si vouée à la solitude que ça. Nous voilà donc face à un pied de nez aux clichés sur les blondes et les brunes plus qu'efficace, dans la mesure ou l'on croyait avoir à faire à un énième film frivole traitant de cette même contradiction. Détournement réussi!

Le film nous fait alors la leçon sur les dangers de se fier aux apparences, l'on pouvait s'y attendre. Mais là où de nombreux prédécesseurs du genre s'arrêtaient là, celui-ci nous pousse à réfléchir sur le fait qu'effectivement l'apparence pousse souvent les gens vers un jugement hâtif, mais qu'en plus de ça, elle peut dangereusement influer sur l'image que l'on a de nous-même et nous brider en nous empêchant d'exploiter des capacités que l'on pensait ne pas avoir, "étant blonde" ou "étant brune" pour caricaturer.

En définitive, j'ai été surprise par un film très bien interprété (Cameron Diaz est très touchante dans son rôle) et qui, malgré son apparente soumission aux clichés du film à l'eau de rose, nous pousse à réfléchir sur un sujet assez important dans notre monde où le diktat de la mode devient de plus en plus encombrant...

"Mes mauvaises pensées", Nina BOURAOUI

J'ai découvert Nina Bouraoui avec La vie heureuse. Je me suis alors plongée dans son univers organique, charnel et enveloppé de réminiscences, tantôt vagues, tantôt précises, qui évoqueraient presque les kitschissimes portraits floutés de David Hamilton. Ses souvenirs plairaient à Sofia Coppola.

Elle nous livre désormais ses Mauvaises pensées, long monologue décousu au fil de sa pensée, piqué de mots toujours sensuels, charnels... Elle y parle encore de l'Algérie, de sa famille, de ses références et de ses errances, embellies par son style syncopé. Nina Bouraoui y parle d'atmosphères qui découlent les unes des autres et forment en quelque sorte la trame logique de sa personnalité. On pense à un moment donné saisir une partie d'elle, mais elle s'évanouit pour s'ouvrir sur une autre dont les détails superficiels fourmilleront jusqu'à cacher l'essentiel: à travers le vague référentiel qui se cache derrière ses mots, on ne sait pas ce qu'on peut bien percevoir de la vraie Nina, qui se comprend,elle. Car restant floue, elle réussit à préserver le mystère malgré l'exposition brute de ses expériences et de ses sentiments.

Comme d'ordinaire, la demoiselle joue de son écriture réputée comme sensuelle, et là est peut-être le seul petit défaut cette oeuvre placée sous l'égide du mot "corps" comme s'il était garant de ce style charnel. Si tel est vraiment le cas, les ficelles sont trop grosses, et le fait que le mot soit incessamment répété énerve quelque peu. Mis à part cela, il reste émouvant pour une fan de David Lynch comme moi, de voir évoqué Mulholland Drive avec tout le mystère qui lui est dû, ainsi que les petits détails qui font de Twin Peaks l'oeuvre quasi-mythique qu'est la série acutellement. Nina Bouraoui aime David Lynch et ça me plait. Mais elle aime aussi tellement d'autres choses qu'elle sera sans doute proche de beaucoup de personnes encore.

Car c'est cela qui est extrêmement troublant dans ces mauvaises pensées: bien que l'on suive le vagabondage psychologique de quelqu'un d'autre, on se retrouve happé dans ce marasme jusqu'à l'intégrer, le digérer et en faire presque son propre cheminement. On en ressort alors un peu déboussolé, mais la littérature n'est jamais meilleure que lorsqu'elle nous bouscule un peu!

Last Days, Gus VAN SANT

Beaucoup de fans de Nirvana ont été déçus de ce nouveau film de Gus Van Sant. On peut sans doute dire merci aux médias, et aux fans bêtes et méchants qui n'avaient retenu que le nom de Kurt Cobain dans le sujet du nouveau film du cinéaste qui, lui, précisait bien que l'intéressait surtout le fait divers que constitue le suicide du chanteur, et ce qui a pu se passer dans son esprit les jours précédents. Et les journaux, avides de sensationnel, de laisser traîner leurs oreilles opportunisto-distraites, et d'ainsi associer le nom d'Asia Argento à la figure de Courtney Love et le reste du casting aux membres du groupe. Voilà Gus Van Sant affublé de la lourde tâche de réaliser une simple reconstitution, de celles qui seraient susceptibles d'être la figure de proue d'une soirée-théma d'Arte le dimanche soir, tout au plus. Un parcours guidé pour fans feignants, qui aimeraient les compils illustrées.

Les premières images apparaissent, le visage sous ses cheveux blonds et le reste perdu dans son grand pull rayé rouge et noir, Michael Pitt fait illusion à la perfection ; Gus quant à lui, reste réservé, avoue puiser l'inspiration dans l'histoire de Kurt, et brouille les pistes jusqu'à modeler son acteur en parfaite réplique du chanteur, accessoires à l'appui. Mais quand on connaît l'animal et son Elephant, on se méfie ("inspiré" de la fusillade de Colombine, il n'en est pas la reconstitution exacte). D'ailleurs, aucune photo d'Asia en blondasse barbouillée de rouge à lèvre, son poupon sous le bras et les cernes jusqu'au milieu des joues, pas d'éventuels Dave Grohl ou Chris Novoselic... Gus, lui, livre apparemment ce que l'on veut qu'il dise, docile en apparence, mais le regard amusé. Etrange.

Puis un mardi soir, on s'assoit dans la salle de cinéma en ayant pris soin de rester vierge de toute lecture critique, mais ayant aussi pris celui d'amasser une jolie petite collection d'articles pour la fin de soirée. Et là, on découvre un film magnifique de pudeur, de poésie et effectivement impreigné de Kurt Cobain. Blake porte ses traits, c'est indéniable, et sa musique s'en rapproche beaucoup, ça ne l'est pas moins. Sa démarche, son regard, sa façon de jouer, ses menus (les fameux macaroni au fromage et au lait qui font tant jaser les fans), sa dépendance à la drogue (toujours suggérée), sa femme et sa fille absentes mais évoquées dans le film, sa narcolepsie...

Et puis on se laisse porter par l'ambiance, les allées et venues de Blake, ses grommellements le fourmillement des visiteurs et habitants de la maison. On n'oublie pas la figure de son "idole" si facilement alors on laisse parfois se mélanger le visage de Michael Pitt et celui de Kurt. Mais on découvre également Blake, on s'attache à lui, cet hectoplasme déjà mort pour ses colocataires, qui ne l'aperçoivent même plus, uniquement quand ils ont besoin de lui. On le regarde, on l'écoute, et on le ressent: le son est très important, très présent dans Last Days. Normal me direz-vous pour un film dont le héros est un musicien. Mais ici, c'est la collaboration avec Hildegard Westerkamp (encore "les portes de la perception", comme dans Elephant) qui est la plus remarquable: ces bruitages semblent directement émaner de l'esprit de Blake, ce qui nous le rend d'autant plus proche. Puis arrive cette scène superbe (la plus belle et la plus impressionnante du film) où l'on commence à saisir ce qui nous fascine: la maison est déserte, Blake/Michael pénètre dans la salle de musique et se met à jouer alors que la caméra et son réalisateur se tiennent à l'écart et l'aperçoivent se démener derrière la fenêtre. On se rend compte alors que c'est la pudeur avec laquelle Gus Van Sant capte les moments les plus intimes de son personnage qui nous émeut tant. On continue alors à se laisser porter. Jusqu'à la fin, connue de tous, mais encore une fois interprétée par le réalisateur, où la violence des faits réels se transformée en envol poétique d'une âme confinée dans un esprit fatigué (non, Blake ne se sert PAS de sa carabine ). Les "chanteurs du roi" chantent la "victoire" de Blake sur ce monde, et celle de Gus Van Sant sur les fans les plus malveillants.

Car si les derniers détails de la vie du chanteur sont repris de façon méticuleuse, il le sont pour mieux nous tromper: Gus Van Sant choisit de porter à l'écran la seule partie de la vie de Kurt Cobain qui ne soit connue de personne. Disparu aux yeux des médias, de son entourage, de sa famille même (Courtney Love avait fait engager un détective privé pour le retrouver, autre détail présent dans la fiction), les seuls éléments que l'on a pu connaître de ces "Last Days" sont ceux qui ont été mis à jour par les enquêteurs. Le réalisateur est alors libre de laisser cours à son imagination, son intuition pour finalement nous laisser cette touchante interprétation, contenue toute entière dans l'une des dernières images de ce petit chef d'oeuvre: l'esprit angélique de Blake matérialisé sort de son corps, pour grimper aux traverses de la porte-fenêtre, et s'élever par le biais de cet "escalier pour le paradis". Alors que ces mêmes fans bêtes et méchants arrêtent de râler car on n'entend aucune des chansons de Nirvana, qu'on ne voit pas les autres membres du groupe, qu'on ne voit pas de scène de concert, qu'on ne voit pas Courtney Love... Il existe des documentaires, des live du groupe qui seront, cette fois-ci on ne peut plus fidèles à la réalité. Et quel plus bel hommage un fan peut-il espérer que la tranfiguration de son idole en un si bel ange?

J'ai énormément aimé Last Days, je suis une fan de Nirvana de la première heure.

"Le cadavre exquis boira le vin nouveau"

Qui ne s'est pas déjà follement amusé avec les cadavres exquis?! Et bien si ce n'est pas le cas, je vous conseille de vous rendre sur www.cadavre-exquis.net où ma soeur et moi poétisons comme des petites folles depuis quelques jours. Les surréalistes ont eu raison de se lever le jour où ils ont inventé cet amusant petit jeu!Le but évidemment est de ne pas se concerter avant de se retrouver chargé de choisir un verbe, un nom, ou encore un adjectif qui composeront la petite phrase absurde qui résulte de ce bric à brac hasardeux! Car ce qu'il y a de plus amusant, c'est justement de voir comment ce même hasard conduit à juxtaposer des éléments proches au niveau sémantique!! On dirait parfois de la transmission de pensée!

Petit florilège avant de retrouver quelques uns d'entre vous, je l'espère, sur le site! (Dahlia, c'est moi!)


«Un joueur de basket américain plus ou moins souple emboîte des fils à papa furieux de s'être fait berner»


«L'idiot du village , retardé, faut bien le dire, prend, malgré lui, un kaléidoscope sans penser à demain»

«Mère Nature frustrée et rancunière se spécialise dans le résidu de terre tout content»

«JoJo le pétomane , qui a le mal de mer, excuse son rectum artificiel faisandé.»

«Et Jésus leur dit : Les hommes , comme ils sont laids, mutilent avec plaisir un sénateur lugubre»

«La duchesse neurasthénique mélancolique réclame à grands cris une photo de ma grand-mère en vinyle.»

«Le séducteur merveilleux achète à un prix exorbitant des humoristes au summun de la beaufitude»

«Qui l'eut cru ? La vache mal peignée fond en larmes en voyant des dromadaires , qui ne pipaient mot»

«Le président Bush quelque peu pompette accepte péniblement un béret à pompon magnanime.»



Chaque semaine dans les Inrockuptibles, depuis l'année dernière, quelqu'un répond au questionnaire mis en place par les artistes Sophie Calle et Grégoire Bouillier. Par accès de snobisme, faisons comme si il nous était adressé! ^^

-Quand êtes-vous déjà mort?

Moralement je meurs quand on me quitte. Physiquement, j'ai un petit bout de moi qui est mort l'année dernière quand j'ai fait mon AVC (accident vasculaire cérébral, un truc qu'on fait normalement à 70 ans; ça peut être dangereux d'être migraineux).

- Qu'est-ce qui vous fait lever le matin?

Me dire que toujours j'aurai de nouveaux livres à lire, toujours de nouvelles têtes à observer, de nouvelles personnes à écouter, et que je ne serai jamais satisfaite.

-Que sont devenus vos rêves d'enfant?

Sachant qu'il est prouvé que tourner sur soi-même très vite ne te transforme pas en Wonder-woman (demandez aux derviches si vous ne me croyez pas) et que je ne serai jamais un cheval, je crains qu'ils ne soient pas réalisables...

-Qu'est-ce qui vous distingue des autres?

Ma mauvaise foi et mon orgueil.

-Vous manque-t-il quelque chose?

De l'argent.

-D'où venez vous?

Maman doit le savoir

-Jugez-vous votre sort enviable?

Oui

-A quoi avez-vous renoncé?

A être mince

-Que faites vous de votre argent?

Je le dépense même quand je n'en ai plus

-Quelle tâche ménagère vous rebute le plus?

Etendre le linge. Je déteste avoir les bras en l'air et les mains dans l'humidité

-Quels sont vos plaisirs favoris?

Lire, écrire, écouter et faire de la musique, dessiner, jouer, manger et vivre.

-Qu'aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire?

Beaucoup d'argent!!

-Citez trois artistes vivants que vous détestez

Vincent Delerm, Mickey 3D, et Vincent Delerm

-Que défendez-vous?

Moi

-Qu'êtes-vous capable de refuser?

Refuser est beaucoup moins dur qu'accepter

-Quelle est la partie de votre corps la plus fragile?

La tête

-Qu'avez-vous été capable de faire par amour?

Me taire

-Que vous reproche-t-on?

Trop de choses. Mon orgueil, ma susceptibilité et ma mauivaise foi? Faudrait demander aux autres, parcequ'en réalité je suis irréprochable

-A quoi vous sert l'art?

A me défouler, et me mettre en scène (mon orgueil qu'on me reproche? pourquoi?)

-Rédigez votre épitaphe

Elle est partie comme elle est venue; elle f'sait qu'passer

-Sous quelle forme aimeriez-vous revenir?

Un mec super beau ou un percheron

Transfusion

Un Mambba original s'est glissé dans cette image...

Saurez-vous le reconnaître?

Un effort... Non?

Un indice? Oui! http://www.mambba.com/

Il s'agit évidemment d'inaugurer mon nouvel espace avec un tant soit peu de qualité, sans qu'il soit pour autant dénué de toute personnalité! Or voilà que ces derniers temps, je suis atteinte d'une fièvre créatrice sans précédent qui me pousse à laisser sur le papier tout un tas d'images amusantes qui me passent par la tête, et bien que j'aie toujours dessiné ce qui m'entourait, jamais je n'ai tenté de laisser sortir ce qui m'habitait...

Je tricherais si je disait que tout ce qui va suivre est issu du même torrent créateur, il m'aurait fallu plus d'une journée pour parvenir à écrire autant de textes. Mais il s'agit d'un simple transfert de mon MSN Space vers Blogger, que je trouve plus agréable dans ses fonctionnalités! Illustrer mon texte de mes dessins, qu'aurais-je pu rêver de mieux?