dimanche, décembre 31, 2006
Esprit de fête
vendredi, décembre 22, 2006
Allons z'enfants
L'aut' jour dans mon courrier
J'ai reçu des papiers
J'en suis
J'vous l'dis
J'en suis resté tout pâle
On me disait tout dret
D'aller me présenter
A la
Casern'
Qui s'trouv' dans mon quartier.
Je m'en vais donc là-bas
Et je leur dis c'est moi
Je viens
C'matin
M'en voir de quoi qu'y r'tourne
On m'a donc fait rentrer
Et je leur ai d'mandé
A voir
Cui-là
Qui m'avait convoqué.
Me v'là dans un bureau
Qui n'était pas bien beau
Y avait
C'est vrai
Un' petit' secrétaire
Avec un uniforme
Qui collait à ses formes
J'm'en suis
Senti
Bientôt
Ragaillardi.
Mais y avait aussi
Un militaire assis
Qui m'dit
Mon p'tit
Qu'est-c' que vous venez faire
Moi j'y ai répondu
C'est qu'on m'a convoqué
Monsieur
L'soldat
C'est pour ça que j'suis là.
Il m'a dit: Gardavou !
Mais où vous croyez-vous
Je vois
Ma foi
Vous êt' un' forte tête
Vous assoir devant moi
Ca s'pass'ra pas comm' ça
Debout
Sans r'tard
Ou j'vous fourre au mitard.
Moi j'y ai répondi
Je n'suis qu'un jeun' conscrit
Y a pas
D'offens'
Si j'connais pas l'usage
Je vous voyais-t-assis
Je m'suis assis-z-aussi
Voici
Voici
Pourquoi j'agis ainsi.
Je me suis relevé
Et je lui ai-z-avoué
Qu'j'étais
Pincé
Pour sa p'tit' secrétaire
Pis j'ai voulu savoir
Si ell' sortait le soir
Et si
Les bleus
Avaient l'jeudi pour eux.
Il est dev'nu tout noir
C'était pas beau a voir
Il s'est
Levé
Et m'a botté les fesses
Et puis il m'a conduit
Chez un ami à lui
Un a
Djudant
Qui m'a fourré dedans.
On m'a rééduqué
Toute la matinée
L'après
Midi
J'ai balayé les chiottes
Et ça a continué
Pendant des mois entiers
Jamais
Jamais
J'avais tant balayé.
Je vois les autres gars
Marcher sans s'tromper d'pas
Je m'dit
Que moi
Je suis-t-un incapable
J'ai pas d'goût au fusil
Et dans ma compagnie
On dit
Que j'suis
Le plus con des conscrits.
Je suis même trop con
Pour jouer du clairon
J'en tir'
Des sons
Qui les mett'tous en rage
Moi ça m'intéress' pas
De jouer lèv'toi soldat
Quand j'suis
Tout seul
J'y joue l'grand air d'Aïda.
Mon vieux copain Dubois
Qu'était un bleu comm' moi
Avait
Je l'sais
Le goût du militaire
Il a des galons neufs
Ca fait un effet boeuf
Voilà
C'que c'est
D'écouter les gradés.
Ils me l'ont répété
Pour êtr' un bon troupier
Obé
Issez
Aux officiers d'carrière
Dubois est adjudant
Il finira yeut'nant
Pourvu
Qu'on trouv'
L'moyen d'vivre cent ans.
Pour émerger du rang
Un seul commandemant
Travail
Constant
Devoir et discipline
Moi si pendant vingt ans
Je balaie les latrines
J'vois pas pourquoi
Que j's'rai pas commandant !
Boris Vian
mercredi, décembre 20, 2006
Lexicologie
Neuneu : adjectif substantivé faisant partie du lexique construit désignant, en emploi général, une personne plutôt obtuse, aux capacités intellectuelles réduites. On soupçonne chez ces gens une aptitude au bonheur assez impressionnante. Ils ont de la chance. Le redoublement syllabique aide à l'appréhension de l'image de bêtise du neuneu, procédé bien souvent calqué sur le langage des jeunes enfants bêtifiants.
Dans un sens plus large, le neuneu semblerait cependant désigner une catégorie de prétendants au CAPES de Lettre Modernes qui passent leur temps à se dévaloriser, et à bloquer sur leurs sujets de grammaire, sous prétexte qu'ils n'ont pas le vocabulaire nécessaire à la réussite de ce type d'épreuve, étant justement trop neuneu pour user de mots tous plus lourds de prétention les uns que les autres de façon sérieuse. C'est cependant consciemment que la courageuse candidate devra ravaler sa simplicité et se faire honnête coupeuse de cheveux en 35 afin de détenir le droit d'enseigner notre bonne vieille langue française à ses élèves déjà sous-préparés, avec des mots qu'ils ne comprendront pas.
Là où l'ironie du contresens se fait sentir c'est que bien que son image de neuneu se colle à elle dès qu'elle touche à la grammaire ou l'ancien-français, elle n'en adopte pas toutes les caractéristiques pour autant: et l'aptitude au bonheur inconditionnel, elle est passée où entre temps?
Humeur: catastrophée et fatiguée
Bande son: ...
dimanche, décembre 17, 2006
Orchestra
Frank Zappa, King Crimson, et un nouveau morceau de Coco Rosie.
Humeur: fragile
Bande-son: qu'est-ce que je viens de dire? ^^
jeudi, décembre 14, 2006
Urbs
Les pas semés au hasard des librairies, des bibliothèques, des bouquineries, des vidéothèques... Les lumières qui nous guident quand le jour tombe plus tôt dehors, quand le monde ose un nez timide pour prendre la température. On marche toujours, on croise du monde, ou pas. Mais il y en a toujours, à l'intérieur, dans des immeubles où on s'entasse, ou on vit des choses toutes plus différentes les unes que les autres. Ca grouille, ça fourmille, bouge, et ça ne s'arrête pas. Pas de pause, ni de silence total; ça VIT.
Je me souviens des visages tous différents, des paroles insaisissables, des bonjours attrapés au vol, des phrases adressées à ceux qu'on ne connaît pas. Je me rappelle les marées humaines, le bruit, le mouvement, la houle des corps non identifiés.
Je me souviens des verres pleins, des verres vides, de la chaleur, de la lumière, des yeux presque douloureux, de l'esprit encombré de pensées suscitées par le spectacle des gens grisés.
Je me souviens de ma vie, et j'aimerais beaucoup la retrouver...
Humeur: nostalgique
Bande son: J.S Bach, Wagner, Mozart
jeudi, décembre 07, 2006
Voisinage
J'applique donc le précepte avec zèle depuis que je suis ici. Mes chers voisins sont une publicité pour la DDASS à eux tous seuls. Ils sont la preuve vivante du bien fondé de cette association: plus on peut éviter qu'ils éduquent leurs enfants TOUS SEULS, mieux c'est!
Aujourd'hui, je ne sais plus ce qu'est la pitié. Terminé la gentillesse, l'empathie et la compréhension. Je me laisse aller à la mauvaise foi des voisins frustrés et happés dans la vie privée des autres malgré eux. Du matin au soir, ce n'est que beuglements, cris et pas d'éléphants classés 8 sur l'échelle de Richter.
Il y a la mère, élégant tas de chair mal distribué caché sous un peignoir turquoise délavé, la gitane vissée au coin des lèvres, traînant toujours derrière elle une gamine au tour de la bouche noir, au nez qui coule, affublée d'un nid de pie derrière la tête. Tout ça se promène l'oeil inexpressif, traînant sur vous de la tête au pied un regard méfiant. Le soir, rentre la soeur, garçon manqué marchant dignement sur les traces d'une mère qui l'attend de pied ferme à la sortie du car. A peine veut-elle raconter sa journée à cette bien aimée maman que celle-ci lui adresse un affectueux "ta gueule tu me fais chier". Nous, on aurait espéré ne pas être là à cet instant lorsqu'on voit la famille rentrer en nous regardant bizarrement encore une fois. Enfin arrive le père. On ne le voit pas rentrer (on est bien au chaud chez soi en train d'essayer d'oublier qu'on habite à côté de ça), mais on l'entend. Parceque c'est là que commence le cirque.
Les gamines se disputent, courent, essaient visiblement d'abattre les cloisons, n'y arrivant pas se reportent sur les meubles, se cognent, pleurent, et là interviennent les parents: s'élève un "hoooooooOOOOOOOOOoooooooo" magistral, d'après eux signe d'autorité incontestée, mais qui ne marche absolument pas. Raison pour laquelle le beuglement est suivi d'un menaçant "t'as voir c'que tu vas t'prendre dans ta geule!". Nous on se dit que c'est pas grave, que ça se terminera quand les gosses seront couchées. C'est sans compter sur le fait que Monsieur aime titiller Madame qui a l'air plutôt susceptible, et ainsi, on peut espérer avoir la paix sur le coup des une heure du matin.
C'est pas grave, suffit de dormir le matin? Non. Parcequ'à sept heures et demie, tout ce petit monde énergique est déjà debout et hurle, cogne, martyrise le chien qui hurle aussi et, lorsque tout le monde est parti, assure la permanence en pleurant, pignant, trépignant, parceque contre toute attente, ses animaux de maîtres lui manquent.
Alors les nerfs me manquent pour être indulgente avec ces autres, même un soufi y perdrait patience. Donc Maman, pardonne moi, mais mes p¨µ£¨£¨./ de voisins, je les em*$^*/.? !!
Hehe, ça fait du bien!
dimanche, décembre 03, 2006
L'après-midi d'un faune
Ces nymphes, je les veux perpétuer.
Si clair,
Leur incarnat léger, qu'il voltige dans l'air
Assoupi de sommeils touffus.
Aimai-je un rêve?
Mon doute, amas de nuit ancienne, s'achève
En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais
Bois même, prouve, hélas! que bien seul je m'offrais
Pour triomphe la faute idéale de roses.
Réfléchissons...
ou si les femmes dont tu gloses
Figurent un souhait de tes sens fabuleux!
Faune, l'illusion s'échappe des yeux bleus
Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste:
Mais, l'autre tout soupirs, dis-tu qu'elle contraste
Comme brise du jour chaude dans ta toison?
Que non! par l'immobile et lasse pâmoison
Suffoquant de chaleurs le matin frais s'il lutte,
Ne murmure point d'eau que ne verse ma flûte
Au bosquet arrosé d'accords; et le seul vent
Hors des deux tuyaux prompt à s'exhaler avant
Qu'il disperse le son dans une pluie aride,
C'est, à l'horizon pas remué d'une ride
Le visible et serein souffle artificiel
De l'inspiration, qui regagne le ciel.
O bords siciliens d'un calme marécage
Qu'à l'envi de soleils ma vanité saccage
Tacite sous les fleurs d'étincelles, CONTEZ
« Que je coupais ici les creux roseaux domptés
» Par le talent; quand, sur l'or glauque de lointaines
» Verdures dédiant leur vigne à des fontaines,
» Ondoie une blancheur animale au repos:
» Et qu'au prélude lent où naissent les pipeaux
» Ce vol de cygnes, non! de naïades se sauve
» Ou plonge...
Inerte, tout brûle dans l'heure fauve
Sans marquer par quel art ensemble détala
Trop d'hymen souhaité de qui cherche le la:
Alors m'éveillerai-je à la ferveur première,
Droit et seul, sous un flot antique de lumière,
Lys! et l'un de vous tous pour l'ingénuité.
Autre que ce doux rien par leur lèvre ébruité,
Le baiser, qui tout bas des perfides assure,
Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsure
Mystérieuse, due à quelque auguste dent;
Mais, bast! arcane tel élut pour confident
Le jonc vaste et jumeau dont sous l'azur on joue:
Qui, détournant à soi le trouble de la joue,
Rêve, dans un solo long, que nous amusions
La beauté d'alentour par des confusions
Fausses entre elle-même et notre chant crédule;
Et de faire aussi haut que l'amour se module
Évanouir du songe ordinaire de dos
Ou de flanc pur suivis avec mes regards clos,
Une sonore, vaine et monotone ligne.
Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne
Syrinx, de refleurir aux lacs où tu m'attends!
Moi, de ma rumeur fier, je vais parler longtemps
Des déesses; et par d'idolâtres peintures
À leur ombre enlever encore des ceintures:
Ainsi, quand des raisins j'ai sucé la clarté,
Pour bannir un regret par ma feinte écarté,
Rieur, j'élève au ciel d'été la grappe vide
Et, soufflant dans ses peaux lumineuses, avide
D'ivresse, jusqu'au soir je regarde au travers.
O nymphes, regonflons des SOUVENIRS divers.
« Mon oeil, trouant les joncs, dardait chaque encolure
» Immortelle, qui noie en l'onde sa brûlure
» Avec un cri de rage au ciel de la forêt;
» Et le splendide bain de cheveux disparaît
» Dans les clartés et les frissons, ô pierreries!
» J'accours; quand, à mes pieds, s'entrejoignent (meurtries
» De la langueur goûtée à ce mal d'être deux)
» Des dormeuses parmi leurs seuls bras hasardeux;
» Je les ravis, sans les désenlacer, et vole
» À ce massif, haï par l'ombrage frivole,
» De roses tarissant tout parfum au soleil,
» Où notre ébat au jour consumé soit pareil.
Je t'adore, courroux des vierges, ô délice
Farouche du sacré fardeau nu qui se glisse
Pour fuir ma lèvre en feu buvant, comme un éclair
Tressaille! la frayeur secrète de la chair:
Des pieds de l'inhumaine au coeur de la timide
Qui délaisse à la fois une innocence, humide
De larmes folles ou de moins tristes vapeurs.
« Mon crime, c'est d'avoir, gai de vaincre ces peurs
» Traîtresses, divisé la touffe échevelée
» De baisers que les dieux gardaient si bien mêlée:
» Car, à peine j'allais cacher un rire ardent
» Sous les replis heureux d'une seule (gardant
» Par un doigt simple, afin que sa candeur de plume
» Se teignît à l'émoi de sa soeur qui s'allume,
» La petite, naïve et ne rougissant pas: )
» Que de mes bras, défaits par de vagues trépas,
» Cette proie, à jamais ingrate se délivre
» Sans pitié du sanglot dont j'étais encore ivre.
Tant pis! vers le bonheur d'autres m'entraîneront
Par leur tresse nouée aux cornes de mon front:
Tu sais, ma passion, que, pourpre et déjà mûre,
Chaque grenade éclate et d'abeilles murmure;
Et notre sang, épris de qui le va saisir,
Coule pour tout l'essaim éternel du désir.
À l'heure où ce bois d'or et de cendres se teinte
Une fête s'exalte en la feuillée éteinte:
Etna! c'est parmi toi visité de Vénus
Sur ta lave posant tes talons ingénus,
Quand tonne une somme triste ou s'épuise la flamme.
Je tiens la reine!
O sûr châtiment...
Non, mais l'âme
De paroles vacante et ce corps alourdi
Tard succombent au fier silence de midi:
Sans plus il faut dormir en l'oubli du blasphème,
Sur le sable altéré gisant et comme j'aime
Ouvrir ma bouche à l'astre efficace des vins!
Couple, adieu; je vais voir l'ombre que tu devins.
Poésies, S. MALLARME