Il est des auteurs qui ont leur univers particulier et bien qu'aujourd'hui on clame corps et âme que ces écrivains dissidents que la critique a daigné éclairer ont le leur, je ne pense pas qu'ils développent un univers autre que la face noire d'une société que l'on veut nous imposer comme décadente (elle l'est sans doute d'un certain point de vue, mais à chacun d'y donner l'importance qu'il veut).
Depuis Boris Vian, je n'ai pas dû lire ce qu'il fallait en littérature française, mais je n'ai pas l'impression de m'être plongée dans un univers propre à UN auteur. Le sien est illustré de plusieurs livres, tous plus attachants les uns que les autres et il est difficile de parler de celui que l'on a adoré par dessus tout sans se sentir obligé de parler de ce petit monde comme en guise d'avertissement.
Cet homme s'amuse. Non pas qu'il soit un maître de l'entourloupe jusqu'à se moquer du pauvre lecteur qui tente de pénétrer son univers, mais il aime nous destabiliser avec force d'invraisemblances, en bon saltimbanque jonglant avec les mots. Très habile, il semble nous guider petit à petit vers une planète singeant la nôtre, plus proche de l'univers parallèle que du dépaysement total. Jusqu'à ce que nous nous rendions compte de nous trouver dans un monde vu à travers un filtre à faux-semblants où toute l'ironie des relations et du comportement humain se voit démasquée. Car si toutes ses histoires commencent teintées de légèreté, on se trouve vite confrontés à ses disfonctionnements et ses paradoxes. Ce qui crée cette tristesse mélancolique que l'on éprouve au fil du texte, c'est que Vian peint le portrait des personnages les plus tourmentés et traite des situations les plus ambigues et délicates avec des mots colorés, sucrés et légers et des images parfois aussi douces et poétiques que des dessins d'enfants. Je pourrais oser le parallèle avec le monde de Tim Burton, mais ce serait encore trop imparfait, trop biaisé. Si l'on est au début surpris et perdu au milieu de situations insolites, c'est que la qualité première de Vian est de prendre les expressions au pied de la lettre. Mais c'est naturellement que l'on glisse au centre faussement chaud de cet univers trop boiteux pour être aussi joli qu'il nous apparaît au début.
Jacquemort arrive dans un village qui n'a finalement de surprenant que sa foire aux vieux et son batelier étrange, chargé de s'occuper des détritus de la rivière, dernier rang de l'échelle sociale de cette communauté très conservatrice. Il rencontre alors Angel et Clémentine qui viennent d'avoir trois enfants, tous arrivés le même jour. Ainsi commence le conte triste d'une mère possessive et presque animale et d'un homme qui se verra rejeté d'une société pour laquelle il n'a trop de pitié. Le récit est un prétexte idéal pour l'auteur afin d'y exposer sa vision de ce que beaucoup définissent "instinct maternel" plus destructeur que protecteur. L'instinct finalement animal qui donne aux hommes et femmes de cette histoire un comportement animal. Car cette société villageoise dans laquelle ils évoluent nous apparaît plus comme une meute qu'une communauté bien établie.
Après avoir eu ses enfants, Clémentine se détache totalement d'Angel qui finalement n'est pour elle que le géniteur de ses petits qu'elle couve et pour qui elle se sacrifie. Parallèlement à ça, au village, les plus forts dévorent les plus faibles et les meutes s'affrontent.
L'Arrache-Coeur est sans doute à prendre comme une fable sur le comportement humain qui, bien qu'il aie des prétentions à l'évolution et une éthique respectée, n'est qu'un amas d'instincts refoulés. Et cette leçon nous est donnée avec tant de tact et d'objectivité que lorsque l'on referme ce livre, on y pense encore longtemps, assez pour voir notre vie quotidienne différemment...
Boris VIAN, L'Arrache-coeur
Depuis Boris Vian, je n'ai pas dû lire ce qu'il fallait en littérature française, mais je n'ai pas l'impression de m'être plongée dans un univers propre à UN auteur. Le sien est illustré de plusieurs livres, tous plus attachants les uns que les autres et il est difficile de parler de celui que l'on a adoré par dessus tout sans se sentir obligé de parler de ce petit monde comme en guise d'avertissement.
Cet homme s'amuse. Non pas qu'il soit un maître de l'entourloupe jusqu'à se moquer du pauvre lecteur qui tente de pénétrer son univers, mais il aime nous destabiliser avec force d'invraisemblances, en bon saltimbanque jonglant avec les mots. Très habile, il semble nous guider petit à petit vers une planète singeant la nôtre, plus proche de l'univers parallèle que du dépaysement total. Jusqu'à ce que nous nous rendions compte de nous trouver dans un monde vu à travers un filtre à faux-semblants où toute l'ironie des relations et du comportement humain se voit démasquée. Car si toutes ses histoires commencent teintées de légèreté, on se trouve vite confrontés à ses disfonctionnements et ses paradoxes. Ce qui crée cette tristesse mélancolique que l'on éprouve au fil du texte, c'est que Vian peint le portrait des personnages les plus tourmentés et traite des situations les plus ambigues et délicates avec des mots colorés, sucrés et légers et des images parfois aussi douces et poétiques que des dessins d'enfants. Je pourrais oser le parallèle avec le monde de Tim Burton, mais ce serait encore trop imparfait, trop biaisé. Si l'on est au début surpris et perdu au milieu de situations insolites, c'est que la qualité première de Vian est de prendre les expressions au pied de la lettre. Mais c'est naturellement que l'on glisse au centre faussement chaud de cet univers trop boiteux pour être aussi joli qu'il nous apparaît au début.
Jacquemort arrive dans un village qui n'a finalement de surprenant que sa foire aux vieux et son batelier étrange, chargé de s'occuper des détritus de la rivière, dernier rang de l'échelle sociale de cette communauté très conservatrice. Il rencontre alors Angel et Clémentine qui viennent d'avoir trois enfants, tous arrivés le même jour. Ainsi commence le conte triste d'une mère possessive et presque animale et d'un homme qui se verra rejeté d'une société pour laquelle il n'a trop de pitié. Le récit est un prétexte idéal pour l'auteur afin d'y exposer sa vision de ce que beaucoup définissent "instinct maternel" plus destructeur que protecteur. L'instinct finalement animal qui donne aux hommes et femmes de cette histoire un comportement animal. Car cette société villageoise dans laquelle ils évoluent nous apparaît plus comme une meute qu'une communauté bien établie.
Après avoir eu ses enfants, Clémentine se détache totalement d'Angel qui finalement n'est pour elle que le géniteur de ses petits qu'elle couve et pour qui elle se sacrifie. Parallèlement à ça, au village, les plus forts dévorent les plus faibles et les meutes s'affrontent.
L'Arrache-Coeur est sans doute à prendre comme une fable sur le comportement humain qui, bien qu'il aie des prétentions à l'évolution et une éthique respectée, n'est qu'un amas d'instincts refoulés. Et cette leçon nous est donnée avec tant de tact et d'objectivité que lorsque l'on referme ce livre, on y pense encore longtemps, assez pour voir notre vie quotidienne différemment...
Boris VIAN, L'Arrache-coeur
10 commentaires:
J'ai lu ça il y a si longtemps,(seconde ou 1ère, c'était au programme.)que je n'en ai qu'un vague souvenir. Mais ça avait du me plaire, cauz' que j'ai acheté tous ses bouquins par la suite."Les fourmis" était peut-être ce qui m'avais le + embarqué à l'époque, mais je ne sais pas si je me rendais compte du génie surréaliste de "l'écume des jours" ou de "l'arrache coeur".
Moi aussi c'était la première fois que lire un livre d'un auteur me poussait à essayer de lire son oeuvre entièrement! L'Arrache-coeur n'était pas le premier, mais le deuxième. Cependant, c'est celui qui m'a laissé la plus grosse impression!
Idem. Car, si mes souvenirs sont bons, c'est "l'arrache coeur" qui est au programme de seconde.
Rhhhâââ! L'écume des jours,j'voulais dire...
Je ne sais pas, moi je ne l'ai pas étudié en tout cas. Par contre ma soeur oui, au lycée effectivement. Je pense donc aussi que c'est en seconde.
Jamais étudié, je l'ai découvert en piquant le livre de Mathilde (l'intégrale Boris Vian, un pavé !), l'auteur piquant lui-même ma curiosité. J'ai tout dévoré ! J'ai juste laissé l'automne à Pékin de coté, pour plus tard. Ah et j'adooooooore Vernon Sullivan ! Plus même que l'Ecume des jours et son Pianocktail. Je mes les acheter bien un de ces quatres.
Vernon Sullivan: "Elles se rendent pas compte".
Fait gaffe !! Encore un ou deux articles de ce genre et ça devient un blog intello ...
Sinon pour montrer que j'ai lu(?) un peu :
Oui c'est bien Boris Vian ! D'ailleur, il faudra que je me remette au pavé dont parle J... ah merde ! c'est quoi son pseudo à lui déjà ... Ah oui ! John-John.
Mais pour l'instant je suis en plein dans "La part de l'autre" de Schmitt. D'ailleur je pense que je vais m'addonner à la rubrique de droite (je parle d'orientation, de position, non de ... raaa tout sauf un contexte politique !) sur les gouts du moments, ça me donnera une raison de mettre des trucs sur le blog quand je me fait chier et que j'ai pas d'imagination.
Ah zut, désolé, en ce moment je parle un peu tout seul, mais au moin même quand je m'adonne à des pseudo-complainte de schyzophrène de pacotille, j'ai des gens pour me lire !
Merci Le blog à Antha !
[Entre tous, il y en a qui savent plus quoi inventer pour donner un aspect long et reflechi(?) à leurs commentaires]
"Elles se rendent pas compte" est très bien, mais "Les morts ont tous la même peau" est encore mieux!
Et ma tite Autruche, ce serait sympa effectivement que tu te fasses tes petits coups de coeur du moment toi aussi ^^
Pour suivre les pas-conseils de Anthä, j'avais décidé d'aller voir 300 au cinéma ce soir. Ca passe plus... C'est qui le roi des cons?
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