mercredi, octobre 11, 2006

Innervation

Les carnets du consommateur (1)

Chaque jour, des espèces en voie de disparition luttent pour leur survie. Certains nous diront que nous courons droit à la catastrophe, mais c'est sans compter sur l'avènement d'une nouvelle espèce à toute épreuve: le consommateur!

Le consommateur a vu le jour de part et d'autre de l'atlantique, mais c'est aux Etats-Unis qu'il s'adaptera le mieux, baignant dans un univers neuf, vierge de toute histoire culturelle. Les européens suivent le consommateur américain de près (à ceci près qu'il ne sont pas encore obèses). Et désormais, vient au monde le consommateur asiatique, volontaire et déterminé à rattraper ses congénères occidentaux au plus vite. Les africains et les inuits sont à la traîne.

Les chefs de meutes sont facilement reconnaissables à leur pelage Armani, Hugo Boss ou autre compagnon indispensable du bon goût, ainsi que leurs accessoires discrets (le chef de meute est cultive et entraîné à reconnaître les diverses marques de pelage selon la coupe; impressionnant!), mais non moins reluisants de chic non dissimulé. Ils se déplacent en voiture de luxe, toutes plus scintillantes les unes que les autres, silencieuses la plupart du temps, à peine choquées d'éventuelles rencontres frontales avec les véhicules de leurs sous-fifres, généralement perdantes dans ce genre de confrontations.

Le bas de l'échelle sociale se reconnaît à son goût pour l'affichage public de marques diverses et variées, véritable panneau publicitaire à lui tout seul: Reebok, Nike, Adidas pour les sportifs; Quicksilver, Buffalo, Loïs, Van's, Doc Martens etc... pour le reste. Et la valse des pelages ne s'arrête ainsi jamais, orchestrée au gré de l'instrument indispensable du consommateur: sa télévision.

Immobilisé dans un fauteuil plus ou moins confortable (facteur variant selon l'échelle sociale encore une fois), le consommateur se laisse aller à contempler ce catalogue perpétuel d'objets et services divers et variés. Défilent devant lui les images colorées de ce qui sera bientôt Sien: douce perspective que celle de posséder très bientôt la chose qui sera apparue devant lui. Catalogue si vaste qu'il englobe tout ce qui a trait au pelage, à l'alimentation, les "produits culturels"... Ce qu'il sera se construit sur son écran.

Le consommateur est dévoré d'envie, trépignant sur son fauteuil et, lorsqu'il sort, l'irrépréssibilité de ses pulsions de consommateur l'emporte. Il rentre chez lui, une nouvelle possession en poche, de l'argent (trop d'argent) en moins. A nouveau immobilisé dans son terrier, il l'aménagera à son gré, ou à celui des petites images qui défilent sur son petit écran.

J'ai un ami qui travaille à Carrefour: sur son dos, il est écrit "Puis-je vous aider à mieux consommer?"

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