mercredi, octobre 11, 2006

Irrigation

Marie-Antoinette, Sofia COPPOLA

Je suis fâchée. Fâchée après les historiens méticuleux qui refusent que l'on puisse interpéter leur sacro-sainte Histoire et qui ne jurent que par les films historiques aussi rigides que des corsets; je ne dis pas par là qu'ils sont mauvais, attention à ne pas se méprendre. Mais je maintiens préférer être conduite à m'intéresser sérieusement à un évènement historique ou une époque par le biais d'oeuvres qui nous rendent ces figures du passé plus humaines. Mais voilà, il y a cette maudite bienséance qui poussent les intriguants poussiéreux à crier au scandale... D'autant plus qu'avec Marie-Antoinette, ce sont les américains qui sont accusés de remanier l'Histoire à leur façon (cf. le forum consacré au film sur Allocine)


Scandale: il y a quatre siècles, les artistes italiens ont remanié l'histoire biblique à leur façon en vêtant Jésus et ses apôtres à la mode de leur temps!

Scandale: il y a trois siècles, on a bousillé la carrière de Corneille pour avoir fait parler français sa Chimène espagnole dans Le Cid!

Scandale: il y a deux siècles, Hernani de Victor Hugo a fait hurler des hordes de conservateurs poussiérieux pour avoir remanié l'histoire espagnole; la famille Dumas a eu l'audace de ne pas faire de ses Trois Mousquetaires et autres Comte de Montecristo, des documentaires figés sur l'histoire des temps de Louis XIV et, au contraire, de la romancer!

Les américains n'ont pas d'histoire ou si peu... Mais pas de scandale prudement offusqué à la sortie de The Crucible d'Arthur Miller (pièce de théâtre mettant méchamment le doigt sur les motivations réelles de la chasse aux sorcières de Salem, en romançant évidemment). Et pas de scandale à la sortie de Gangs of New York. Non pas que je me mette dans quelque camp que ce soit. Mais je leur concède tout de même une certaine ouverture d'esprit mêlée à une inventivité créatrice qui a pu également leur permettre de transposer dans l'univers de notre époque une pièce élisabethaine aussi connue que Roméo et Juliette. Je m'égare peut-être un peu mais là où je ne le fais pas, c'est en constatant que notre pédantisme de français engoncés dans la préciosité de notre histoire culturelle est si rigide qu'apparemment une seule tentative d'interprétation peut apparemment le pousser à se sentir menacé! Quatre siècle des mêmes scandales!!

A cela, bien sûr, on peut m'objecter que les personnages dont je parle ici sont uniquement fictifs, alors que Marie-Antoinette est un personnage historique. Mais je maintiens alors que dans Les Trois Mousquetaires et ou encore Les ferrets de la Reine, les personnages historiques interviennent régulièrement. Ainsi que dans beaucoup de romans de genre historique, comme Les Rois Maudits de Maurice Druon, pour ne citer que cet ouvrage.

J'ai enfin eu l'occasion de voir Marie-Antoinette. Et j'ai été enchantée: la fraîcheur qui se dégage de ce film nous élève un peu plus vers une atmosphère éthérée, et le château de Versailles est merveilleusement mis en valeur par les couleurs, les costumes et la prestances des acteurs qui le peuplent durant ces deux heures de tableau mouvant. Le personnage même de Marie-Antoinette y est montré comme extrêmement attachant, bouleversée très jeune par son arrachement à ses habitudes et sa découverte brutale d'un pays et d'une cour où les coutumes lui sont étrangères. Encore une fois, c'est plus le passage à l'âge adulte que Sofia Coppola nous dépeint sous prétexte d'illustrer la vie de la reine. Et quand bien même, elle se paraphrase comme l'aiment à dire les critiques les plus acerbes, en tant qu'éternelle adolescente, je ne m'en lasse pas.

Toute cette musique moderne sur des scènes du XVIIIe siècle? Les plus attentifs auront remarqué qu'elles sont placées sur des moments qui se penchent sur la vie intime de la reine, et illustrent plus son état d'esprit et son humeur. Il s'en trouve tout de même sur une scène (magnifique) de bal masqué? Celui qui justement transportera Marie-Antoinette hors de son carcan social habituel et où elle pourra à loisir laisser éclater sa véritable personnalité sous couvert du masque qui la dissimule! Et l'on jubile avec elle. Les musiques tirées de notre temps nous rendent les distractions de l'époque plus accessibles et l'on imagine mieux la joie palpable à ces occasions alors que nous-mêmes avons désormais beaucoup de mal à imaginer danser sur les menuets de Couperin ou Rameau. Et au plus mauvaise langues, j'objecterai que ce dernier est représenté dans la bande son du film tout de même.

Oui j'ai été agréablement surprise par Marie-Antoinette et deux jours après être allée le voir, mon esprit se délecte encore de son ambiance de fête et de ses couleurs droit sorties d'un tableau du XVIIIe siècle: comme je me suis délectée du lever de soleil auquel assistent la reine et ses amis dans les jardins de Versailles!

Un bon point, Mademoiselle Coppola!

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