"Mes mauvaises pensées", Nina BOURAOUI
J'ai découvert Nina Bouraoui avec La vie heureuse. Je me suis alors plongée dans son univers organique, charnel et enveloppé de réminiscences, tantôt vagues, tantôt précises, qui évoqueraient presque les kitschissimes portraits floutés de David Hamilton. Ses souvenirs plairaient à Sofia Coppola.
Elle nous livre désormais ses Mauvaises pensées, long monologue décousu au fil de sa pensée, piqué de mots toujours sensuels, charnels... Elle y parle encore de l'Algérie, de sa famille, de ses références et de ses errances, embellies par son style syncopé. Nina Bouraoui y parle d'atmosphères qui découlent les unes des autres et forment en quelque sorte la trame logique de sa personnalité. On pense à un moment donné saisir une partie d'elle, mais elle s'évanouit pour s'ouvrir sur une autre dont les détails superficiels fourmilleront jusqu'à cacher l'essentiel: à travers le vague référentiel qui se cache derrière ses mots, on ne sait pas ce qu'on peut bien percevoir de la vraie Nina, qui se comprend,elle. Car restant floue, elle réussit à préserver le mystère malgré l'exposition brute de ses expériences et de ses sentiments.
Comme d'ordinaire, la demoiselle joue de son écriture réputée comme sensuelle, et là est peut-être le seul petit défaut cette oeuvre placée sous l'égide du mot "corps" comme s'il était garant de ce style charnel. Si tel est vraiment le cas, les ficelles sont trop grosses, et le fait que le mot soit incessamment répété énerve quelque peu. Mis à part cela, il reste émouvant pour une fan de David Lynch comme moi, de voir évoqué Mulholland Drive avec tout le mystère qui lui est dû, ainsi que les petits détails qui font de Twin Peaks l'oeuvre quasi-mythique qu'est la série acutellement. Nina Bouraoui aime David Lynch et ça me plait. Mais elle aime aussi tellement d'autres choses qu'elle sera sans doute proche de beaucoup de personnes encore.
Car c'est cela qui est extrêmement troublant dans ces mauvaises pensées: bien que l'on suive le vagabondage psychologique de quelqu'un d'autre, on se retrouve happé dans ce marasme jusqu'à l'intégrer, le digérer et en faire presque son propre cheminement. On en ressort alors un peu déboussolé, mais la littérature n'est jamais meilleure que lorsqu'elle nous bouscule un peu!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire